La figure de Jonas, ce prophète happé par un "grand poisson", m'a toujours fasciné. Quand Dieu lui révèle sa mission qui est de convertir Ninive, ville du royaume d'Assur où règne le péché, Jonas part en sens inverse: vers Tarsis, par la mer. C'est au cours d'un naufrage qu'il est avalé par le célèbre poisson. Jonas finit par convertir Ninive, qui se repent. Cette repentance provoque chez le prophète une immense colère, car Dieu avait promis de châtier Ninive. Jonas ne comprend pas que Dieu pardonne à Ninive, ville qui devient de ce fait bénéficiaire de la grâce du Dieu d'Israël. Or le peuple juif est jaloux de son Dieu, comme le Dieu d'Israël est jaloux de son peuple. Jonas préfigure l'annonce de l'Evangile aux non-juifs. Sa colère contre Dieu renvoie au doute de l'apôtre Pierre, quand il est appelé près du premier non-juif qui demande le baptême au nom du Christ: le centurion Corneille, à Césarée.



L'apôtre Paul sera le premier à comprendre pleinement la nécessité de l'annonce de l'Evangile aux non-juifs. Il se trouve que, comme Jonas, il va connaître le naufrage et même plusieurs naufrages: 3 en tout. Paul dit qu'une fois, il a passé 24 heures dans la mer avant d'être repêché. Si le naufrage de Jonas est une conséquence de son refus d'aller prêcher à Ninive, celui de Paul est un naufrage chrétien: il n'y a plus de lien entre la catastrophe météorologique et le mal qu'il aurait pu commettre avant (Paul a commencé par persécuter les chrétiens). Il est curieux de noter que dans sa fuite, le choix de Jonas s'est porté sur Tarsis. Or, Tarsis, c'est probablement la même ville où Saint Paul, le plus missionnaire des apôtres, est né (Paul de Tarse, en Cilicie). Les ruines de Ninive (détruite en 612 avant JC) se trouvent en Irak, à côté de la ville de Mossoul. Beaucoup de trésors de cette ancienne capitale du royaume d'Assur se trouvent aujourd'hui au British Museum.



J'ai écrit cette chanson intitulée Jonas sur mon album "6633", que j'ai souvent chantée autrefois. Il y est question d'un poisson dont je brise par mégarde l'aquarium. Je le mets alors dans une piscine. Il réclame beaucoup de nourriture et grossit tant qu'il finit par atteindre la taille de la piscine... puis par avaler mon père, venu le nourrir et lui faire la morale. Quelqu'un m'a dit un jour que le Docteur Seuss avait écrit une histoire identique pour les enfants aux USA. Une institutrice américaine avait utilisé ma chanson pour enseigner le français à des tout petits. Chez moi, le Jonas-père invective, à la place de Ninive, le poisson et son appétit sans limite. Mais finalement, le poisson de ma chanson et Ninive se rejoignent, dans cet appétit dévorant qui les caractérise: la grande ville avale les hommes, elle est le lieu du péché par excellence dans l'Ancien Testament (Babylone). Chez Dos Passos ou Robert Frost: Manhattan.



Le Christ cite le peuple de Ninive qui s'est repenti et le compare à celui de Jérusalem, condamné car il refuse de croire à la venue de son Messie. La grande ville juive va être châtiée, l'annonce de sa destruction est suivie d'effets (70 ap JC). Dans un des dialogues antérieurs avec le Christ, on demande à Jésus si les victimes écrasées lors de l'effondrement d'un mur de Jérusalem ont commis un péché. Jésus répond qu'il n'y a aucun lien entre le péché des hommes et cet accident. La destruction de Jérusalem est pourtant annoncée par le Christ comme une conséquence du refus de ses habitants de le reconnaître: il y a donc un lien qui subsiste entre péché et destruction, dans le cas précis de Jérusalem, et ce malgré le retournement complet de la figure divine (du Dieu impitoyable, on est passé au Dieu qui sauve). Cependant, dans le cas de Jerusalem en 70, il s'agit d'une destruction physique qui sera suivie de la diaspora, non d'une destruction/massacre. C'est très différent. De plus, c'est une destruction qui répond au désordre politique qui agite Israël à cette époque.

Jésus parle aussi du "signe de Jonas": son séjour de 3 jours et 3 nuits dans le ventre de la baleine préfigure sa propre rencontre avec la mort, avant la résurrection.

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Le livre de Jonas, qui fait moins de 3 pages, a influencé beaucoup d'artistes, dont de nombreux écrivains:

Dos Passos, Manhattan transfer
Robert Frost, A Masque of mercy
Edouard Glissant, La case du commandeur
Hermann Melville, Moby Dick
Carlo Collodi, Les aventures de Pinocchio

et bien d'autres...